Louâtre. La pluie s’invite aussi à l’inauguration du bâtiment de 40 000 poules pondeuses en plein air

Les poules arriveront d'ici une dizaine de jours.
Les poules arriveront d'ici une dizaine de jours.

Le conditionneur d’œufs CDPO (Conditionnement, distribution et production d’œufs) et

la SCEA De Catifet ont inauguré, vendredi 9 août, le bâtiment de production d’œufs alternatifs plein air, codés 1, implanté au hameau de Violaine sur la commune de Louâtre,

à 12km de Villers-Cotterêts.

 

A l’abri des fortes pluies, près de quatre-vingt personnes ont ainsi pu échanger avec CDPO et

le projeteur Anselme Maurice accompagné de son épouse, Aurore.

 

 

 

 «2 ans et demi pour monter le projet»

 

Philippe Lapie, responsable développement au sein de CDPO, a fait la genèse du projet devant une assistance composée

des partenaires du projet, d’exploitants agricoles, éleveurs avicoles et habitants des alentours. «Nous nous sommes rencontrés pour

la première fois le 3 février 2017,  lance Philippe Lapie en s’adressant au couple Maurice, Il aura fallu 2 ans et demi pour monter le projet,

un délai normal. Nous sommes allés visiter ensemble plusieurs bâtiments. Chez Vincent Lévêque, vous étiez la seule personne féminine dans

le bâtiment. Vous avez été effectivement impressionnée par le bâtiment. Vous vouliez faire plus petit. Le bâtiment de 40 000 poules est arrivé.

 

Beaucoup de femmes suivent ce bâtiment et je suis convaincu que cela se déroulera dans de bonnes conditions. La volière qui est ici, une RED-L, est la première volière montée par CDPO. Nous sommes allés la voir ensemble en Hollande et elle a plu tout de suite. Le matériel a été installé par les établissements Christophe Gence basés dans la Somme. Les poules vont arriver d’ici une dizaine de jours.»

 

«La ferme avait besoin d’un second souffle»

 

Le temps fort de l’inauguration a été le discours d’Aurore Maurice qui s’est adressée aux visiteurs en ces termes : «Les générations Maurice se sont succédées sur la ferme de Violaine. Autrefois, la ferme employait une dizaine de personnes travaillant dans

les champs, l’élevage de moutons et le verger. Avec les années, l’élevage et le verger ont disparu progressivement, laissant la place

aux grandes cultures de blé, betteraves, colza, pommes de terre et au machinisme agricole toujours plus moderne et toujours

plus performant.

 

Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Ces dernières années ont été compliquées avec une récolte 2016 catastrophique,

un coût de mécanisation en constante augmentation, les primes PAC et le prix du blé en diminution. La ferme avait besoin d’un second souffle. Mon arrivée sur la ferme n’a pas été facile. Quelle était ma place ? Quelle place je voulais prendre ?

Issue d’une famille d’agriculteurs et ayant une grand-mère agricultrice, je crois que c’était dans mes gènes. M’essayant à une bonne partie des tâches de la ferme, je fis vite le tour. J’avais besoin d’autre chose. J’adore les animaux. Anselme me dit toujours : «Aurore, Violaine n’est pas l’Arche de Noé.»

 

Un dimanche matin, nous sommes allés trier les œufs chez nos amis, la famille Robin. Nous nous sommes dit, pourquoi pas nous.

A partir de là, plus de 2 ans et demi d’interrogations, de paperasse, de stress, de coups de bourre, de remise en question. Ma première visite de poulailler a été une révélation. J’ai vu des poules heureuses, un point important pour moi. Par la suite, nous avons effectué

des visites ensemble. Nous avons été convaincus. Il n’y avait plus qu’à. Plus qu’à vous convaincre.

 

La possibilité d’utiliser le blé de la ferme dans l’alimentation des poules, l’utilisation de fientes sur la partie végétale et la création

d’un emploi nous ont assuré la complémentarité de la ferme et du poulailler. Habitant au milieu du hameau de Violaine, comme

tout le monde, nous aimons diner dans notre jardin l’été et il était inconcevable de nuire à votre bien-être mais aussi au nôtre.

Nos différentes visites et notre choix de matériel avec le séchage des fientes nous ont permis de nous assurer que nous étions dans

la bonne voie pour réduire les éventuelles nuisances.

 

En effet, le choix de l’emplacement du poulailler, du type de bâtiment, de la volière, autant d’heures de réflexion afin de faire

le meilleur choix en matière de bien-être animal, d’environnement et d’aisance de travail. Un pas après l’autre, le projet a pris forme et est sorti de terre. Nombreux ont été ceux qui sont venus voir, visiter, et poser des questions. Nous nous sommes efforcés de répondre à toutes vos questions, en toute transparence et nous restons à votre écoute.

Il est clair que notre poulailler sera en constante évolution en matière de bien-être animal et d’environnement. Nous avons pour projet d’arborer le parcours cet automne ou au printemps prochain. L’accueil, le respect et la solidarité sont le fondement de nos campagnes et de nos villages. Notre ruralité a aussi des valeurs et du sens. Faisons qu’elle rime avec dynamisme et qu’elle perdure avec notre projet dans le respect de l’environnement dans lequel nous vivons.»

 

«Il faut pousser un grand coup de gueule»

 

Jean-Marc Philippe, directeur général de CDPO, a clôturé les discours : «C’est quoi l’œuf ? Pourquoi aujourd’hui y a-t-il un poulailler

de plein air ? Tout simplement parce qu’on arrête les poules en cages pour mettre des poules en plein air. C’est un grand chemin. Aujourd’hui, c’est une aventure commune très agréable au sein de CDPO et de ses producteurs. Le monde agricole a vraiment besoin d’évoluer et de changer. C’est vrai que pour rencontrer aujourd’hui des difficultés lorsque nous montons des bâtiments, les gens

qui embêtent oublient qu’il y a un besoin économique et en même temps dans le respect du bien-être animal. Dans l’évolution de

nos terres, c’est de la fiente, ce n’est pas de l’engrais que nous mettrons à la place.

 

CDPO est une entreprise privée, indépendante, qui commercialise 1 milliard 50 millions d’œufs chaque année en grandes et moyennes surfaces. Nous sommes 2ème, 2ème ex aequo, intervenant Français. Ces œufs se retrouveront principalement dans les marques distributeurs d’à peu près toutes les enseignes. Si nous montons la production aujourd’hui, c’est parce que le consommateur ne veut plus de poules en cages.

 

Nous venons de passer des chaleurs extrêmement importantes. La mortalité n’est survenue pratiquement que dans des bâtiments cages. Dans de grands bâtiments de plein air, cela s’est formidablement bien passé. S’il n’y a pas de mortalité, cela veut dire que

les bâtiments vont bien. C’est vraiment important de rappeler cela. J’insiste là-dessus, car en ce moment nous sommes un peu embêtés par certains lobbyistes. Je crois qu’à un moment, il faut pousser un grand coup de gueule. On veut quoi, des grands bâtiments

de 200 000 poules cages ou on veut des bâtiments alternatifs comme celui-là ? Je vous souhaite tous mes vœux de réussite et

comme l’on dit, inauguration pluvieuse, inauguration heureuse.»

 

L’inauguration s’est ensuite terminée par la levée du verre de la fraternité agricole, accompagné de sucreries. Les œufs alternatifs,

une priorité des consommateurs, produits à Louâtre seront conditionnés chez CDPO, à Esternay dans le département de la Marne.

DB

 

 

 

Présent à Louâtre lors de l'inauguration, Jean-Marc Philippe, directeur général de CDPO,

s’est exprimé sur la filière de production d’œufs de consommation.  

 

Axomois : Production d’œufs codés 1, bio, où en sommes–nous aujourd’hui ?

J-M P : Il n’y a plus de projets bio. Il n’y a plus de croissance. Le marché bio avait besoin d’être approvisionné et aujourd’hui c’est un marché qui s’endort.

Le plein air est un marché en forte demande. Le prix de l’œuf bio va exploser l’année prochaine car on sera obligé d’élever les poussins en parcours extérieur dès 12 semaines. L’alimentation sera 100% bio, alors qu’aujourd’hui elle n’est bio qu’à 95%.

Le prix du bio va encore monter au moins de 10 à 15% et on va arriver à un moment où, finalement, le consommateur va avoir de plus en plus de mal à se nourrir en bio. Cela va être réservé à une élite et c’est le problème. Le plein air est vraiment un très bon compromis.

On n’est encore pas cher. Il faut pratiquement une poule par consommateur. Chaque Français mange 220 œufs par an. Une poule pond environ 280 œufs par an.

 

 

 

Axomois : Les opposants aux projets de construction de bâtiment accueillant, un nombre élevé de poules pondeuses, dénoncent l’administration de substances aux volailles à cause de la forte concentration d’animaux. Qu’en est-il exactement ?

 

J-M P : Cela n’a pas d’intérêt. Une poule va bien dans des bâtiments comme celui-là. Les poules ont été affaiblies lorsqu’il a fait très chaud. On aurait pu se dire qu’il faut leur mettre des choses pour repartir. Les poules ont perdu un peu de leur production.  Maintenant elles remangent et cela s'est passé tout seul. Il n’y a pas eu de mortalité. En cages, il y a eu à peu près 1 million de poules qui sont mortes entre la France, l’Allemagne, le Luxembourg et la Hollande parce qu’il a fait trop chaud.

Encore une fois, cela m’énerve. Nous avons là des gens qui ont envie de faire évoluer le monde agricole. On veut quoi ? Est-ce qu’on veut manger des œufs qui viennent d’Italie où on vous dit que ce sont des œufs bio alors que ce sont des œufs de poules en cages ?

On veut des œufs qui viennent de Hollande, de Belgique, où les normes alimentaires ne sont pas les mêmes, d’Allemagne où il y a

une concentration forte de poules ? En France, nous avons une telle pression, un tel contrôle de la Direction des services vétérinaires que nous avons des œufs qui respectent les normes européennes, et en plus, les normes françaises. Nos agriculteurs, nos paysans

sont formidables. Ils sont, là, tous les jours dans leurs poulaillers. Ils suivent cela aux petits oignons. Ce sont des bâtiments propres.

On fait les chiffonnettes partout pour être sûr qu’il n’y a pas la moindre salmonelle, machin-truc. 

 

Axomois : Nombre très élevé de poules, non-respect du bien-être animal, mauvaises odeurs : Les bâtiments de 40 000 poules pondeuses font causer. Que répondez-vous aux détracteurs ?

J-M P : J’ai tendance à dire que c’est de la bêtise humaine. C’est vouloir nuire. Je veux bien qu’on dise que les poules n’étaient pas bien

en cages. Et encore, à partir de 2012, les poules étaient déjà bien dans les nouveaux bâtiments qui étaient montés.

En France on produit de la fiente sèche. Il faut dire les choses comme elles sont. Il y a un moment où on peut avoir un problème d’odeurs, mais c’est très ponctuel. C’est quand l’agriculteur va épandre sur ses terres. Mais on veut quoi ? Est ce qu’on préfère dire qu’une fois par an, un jour, on va avoir un petit problème d’odeurs et on n’utilise pas d’engrais ou bien on préfère avoir quelque chose sans odeurs, mais totalement chimique ?

Je suis éleveur. Dans mon exploitation personnelle, cela fait 30 ans que je ne mets pas une goutte d’acide phosphorique et de potasse sur mes terres. On fait du maïs avec 80 unités d’azote. On a réduit au strict minimum l’engrais et on a une plaine superbe.

La fiente de poules est le meilleur fumier qui existe. La fiente permet de ramener les vers de terre. On ne met que 3 tonnes à l’hectare. On n’en met pas beaucoup. Si on met plus de 3 tonnes, c’est trop fort. C’est un engrais puissant et c’est le meilleur engrais qui puisse exister.

La fiente belge est source d’odeurs car elle n’a une matière sèche que de 30 à 35%. De plus, du compost est ajouté à la fiente.

Par ailleurs, les agriculteurs stockent bien souvent la fiente en bout de champ et vont ensuite taper dedans pour l’épandre.

 

Axomois : CDPO fait-il travailler des "locaux" pour ses projets ?

J-M P : Les poules sont nourries avec des céréales régionales. Nous travaillons avec des fabricants d’aliments et des constructeurs régionaux. Tout est régional. Même la main d’œuvre d’entrée et de sortie des animaux est régionale.

DB

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Latour (dimanche, 11 août 2019 18:13)

    On a attendu des années avant que les odeurs de la décharge disparaissent, maintenant on va avoir un poulailler. Que ceux qui n'ont jamais subi l'odeur des pauvres 5 ou 6 volailles de leur voisinage (ou même des leurs) se rassurent : 40 000 poules sentent 6 667 fois plus fort que 6.
    Et puis l'argument des œufs français, c'est une rigolade, les vrais consommateurs d’œufs sont les industriels qui se fichent royalement de l'origine du produit, le prix est leur seul critère de choix. Un poulailler de cette taille va juste faire baisser les cours un peu plus
    Enfin les poules françaises semblent "fienter" une meilleures qualité du "meilleur engrais qui existe" que les poules belges, on lance la donc la catégorie des blagues françaises, qu'il faut lire deux fois pour ne pas les comprendre